Gloire & Empire Nº084. Les Russes dans les Alpes 1799
Lorsque se joue le sort de la France, le général Bonaparte est à bord de La Muiron, louvoyant entre Le Caire et Saint-Raphaël pour éviter les vaisseaux anglais.
Les armées de la deuxième coalition ont clairement l'avantage et les troupes françaises doivent se replier sur presque tous les fronts. En Allemagne, l'armée du Danube est battue à Stockach et repoussée vers le Rhin. En Italie, les Russes du général Vassili Souvorov, engagés aux côtés des Autrichiens, ont annihilé en quelques semaines les acquis de la formidable campagne du jeune général corse. Mais, en Hollande, Guillaume Brune résiste victorieusement aux assauts des armées anglaise du duc d'York et russe du général von Fersen. De même, en Suisse, André Masséna a brillamment remporté la deuxième bataille de Zurich (voir Gloire & Empire n 79) face aux Russes d'Alexandre Rimski-Korsakov et, tenant la position, empêche désormais les liaisons entre les armées coalisées.
Rien n'est joué pour autant. Deux des plus grands chefs coalisés de cette période, l'archiduc Charles et le général Souvorov, menacent directement les armées républicaines. Opiniâtre, le premier quitte l'Allemagne où il a stoppé la menace française pour poursuivre l'affrontement en Belgique tandis que le second, précédé par sa réputation d'invincibilité, reprend le flambeau dans les Alpes.
C'est en Suisse, désormais, que va se jouer la campagne décisive. Mais, pour cela, les 21 000 hommes menés par le nouveau prince d'Italie doivent effectuer leur jonction avec les corps russes et autrichiens qui font face aux Français. Le général en chef choisit la route la plus courte, mais aussi la plus difficile, celle du Saint-Gothard, et organise une offensive convergente qui, sur le papier, promet la plus spectaculaire des réussites. Si les Russes ignorent tout du terrain, ils sont fondés à faire confiance à leurs alliés autrichiens qui ont l'expérience qui leur manque et les sources d'approvisionnement nécessaires.
Mais, hélas, rien ne se déroule comme dans le plan initial. La progression est plus lente que prévu et, sur ces routes étroites et escarpées, fantassins et cavaliers souffrent énormément. Malgré leurs promesses, les Autrichiens ne fournissent pas toute l'aide attendue et, surtout, les Français résistent formidablement sur un terrain qui leur est favorable. Le Saint-Gothard est néanmoins franchi mais il met les forces russes à rude épreuve. Sous le feu de l'ennemi, la descente vers Andermatt puis la progression dans la vallée de la Reuss, dans un relief extrême, est particulièrement meurtrière. Bloqués par les Français et par le terrain, les Russes choisissent, pour atteindre Zurich, la plus improbable des routes. Pour les hommes épuisés et affamés, chaque pas est un calvaire, mais ils continuent à se battre vaillamment jusqu'à ce que le général Souvorov décide de sauver les troupes qui lui restent. Après des peines et des fatigues inouïes, les restes de l'armée russe parviennent en Allemagne d'où ils sont rappelés par le tsar qui, reprochant son manque de soutien à l'Autriche, retire la Russie de la coalition. Pour les Français, cette nouvelle est accueillie avec soulagement et, menées par le Premier consul, les armées républicaines reprendront bientôt le chemin de la victoire.
C'est cette histoire méconnue que vous raconte avec brio ce numéro de Gloire & Empire qui explore avec bonheur des sources inédites en France et livre ainsi une nouvelle approche de la dernière campagne du grand Souvorov.